La diabolisation du secteur minier artisanal par les médias n’aide pas
By Kevin Telmer - September 5, 2019
Le Miami Herald en 2018 et maintenant Buzzfeed en 2019 ont encore une fois publié l’histoire de toujours sur l’exploitation alluviale d’or en Amazonie, à savoir une vision simpliste et mille fois répétée selon laquelle « l’exploitation minière, c’est pas bien ! ». Ils jettent ainsi un froid sur tout ce qu’impliquent l’exploitation minière artisanale et ses mineurs. Ce qu’ils rapportent n’est évidemment pas totalement faux, mais est néanmoins bien loin d’être représentatif du vaste monde de l’extraction minière artisanale dans les 82 pays où elle est pratiquée. Pis encore, de telles histoires nuisent à la paix fragile instaurée dans le monde entier entre gouvernements et mineurs artisanaux au cours de la dernière décennie. Cette paix a été largement favorisée par l’ONU et l’OCDE grâce à leurs initiatives de lutte contre la pollution au mercure (Convention de Minamata) et pour la transparence (Devoir de diligence concernant les chaînes d’approvisionnement en or). Mais ce que l’ONU et l’OCDE ont surtout préconisé, c’est la reconnaissance de l’énorme potentiel de développement que représente ce secteur, et l’aider à devenir responsable contribue directement à 11 des 17 Objectifs de développement durable des Nations unies. Pour être équitables, ces récits devraient inclure ces informations importantes afin d’informer le public des nombreuses bonnes raisons d’aider les 100 millions de personnes qui dépendent de cette activité.
Buzzfeed a abordé le sujet dans son numéro sur les incendies en Amazonie brésilienne, en cherchant à mettre de l’huile sur le feu de l’indignation internationale pendant qu’elle était chaude ! En réalité, l’exploitation minière alluviale en Amazonie existe depuis plus de 40 ans, mais à la lecture de ces articles, tout laisse à penser qu’elle daterait d’hier. Buzzfeed et le Miami Herald adoptent malheureusement un point de vue alarmiste et négligent l’histoire pourtant plus significative des personnes extraordinaires impliquées dans l’extraction artisanale de l’or et de leur combat quotidien pour le développement. C’est une « rivière de sang » titrait le Miami Herald en 2018, tandis qu’en septembre 2019, Buzzfeed estime que « larguer une bombe nucléaire sur la forêt […] serait bien mieux que l’exploitation minière » et le New York Times parle d’« or contaminé ». Ces articles mettent en avant un petit groupe d’éléments criminels et la face cachée du commerce international et du profit (une histoire facile), et condamnent par amalgame les millions de personnes que le secteur emploie. Ne serait-ce pas plutôt le cas d’établir un lien humanisant et chargé de sens entre les camps miniers artisanaux et leurs habitants ?
Toute personne impliquée dans la santé publique vous dira que lorsque vous ne faites qu’attirer l’attention sur un danger sans fournir de solution, le seul résultat est de créer de l’anxiété et une déconnexion d’avec la réalité. BuzzFeed, le Miami Herald et le New York Times dressent ainsi une cartographie des dangers de manière inconsidérée en ne mentionnant que brièvement et parfois avec mépris les personnes et les familles impliquées, ainsi que les éventuelles solutions aux problèmes évoqués. À mon avis, ils devraient faire un bien meilleur travail en expliquant qui sont vraiment les mineurs artisanaux auxquels ils semblent s’intéresser. Il serait extrêmement bénéfique que les journalistes approfondissent la question et aident à inverser le récit typique, facile et alarmiste sur l’exploitation minière artisanale pour encourager l’élan nécessaire à donner aux efforts visant à améliorer ce secteur d’activité. Il faudrait pour cela raconter l’histoire plus complexe des millions de personnes qui luttent pour ouvrir des perspectives à leurs familles et à leurs communautés, et ce dans un environnement où manquent cruellement opportunités et soutiens. La professionnalisation du secteur devrait également faire partie de ces récits ! Il faut trouver un moyen d’expliquer au monde que la grande majorité des mineurs artisanaux ne sont pas des méchants, mais tout comme les Californiens d’antan, des millions de personnes plutôt gentilles et travailleuses qui tentent de se créer un avenir pour elles-mêmes et leur famille.
Si vous demandez à ces journalistes s’ils souhaitent voir se réduire les revenus de millions de pauvres, ils protesteront et vous répondront évidemment que «non». Mais, diront-ils, il doit bien y avoir un meilleur moyen. Bien sûr, et un portrait moins sensationnaliste de l’exploitation minière artisanale par les journalistes serait une première pierre à apporter à cet édifice.